|
Le Code Noir de la Louisiane LOUIS, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre
A tous presens et à venir, salut. Les directeurs de la
compagnie des Indes nous ayant représenté que la
province et colonie de la Louisiane est considérablement
établie par un grand nombre de nos sujets, lesquels se
servent d’esclaves nègres pour la culture des terres,
nous avons jugé qu’il étoit de notre autorité
et notre justice, pour la conservation de cette colonie d’
y établir une loi et des régies certaines pour y
maintenir la discipline de l’église catholique apostolique
et romaine et pour ordonner de ce qui concerne l’état
et la qualité des esclaves dans lesdites isles. Et désirant
y pourvoir et faire Connoître à nos sujets qui y
sont habitués, et qui s’y établiront à
l’avenir, qu’encore qu’ils habitent des climats
infiniment éloignés, nous leur sommes toujours présens
par l’étendue de notre puissance, et par notre application
à les secourir : A CES CAUSES, et autres, à ce nous
mouvans, de l’avis de notre conseil, et de notre certaine
science, pleine puissance et autorité royale, nous avons
dit, statué et ordonné, disons, statuons et ordonnons,
voulons et nous plaît ce qui suit. ARTICLE PREMIER, L’édit du feu roi Louis XIII, de
glorieuse mémoire, du 23 avril 1615 sera exécuté
dans notre province et colonie de la Louisiane ce faisant, enjoignons
aux directeurs généraux de ladite compagnie, et
à tous nos officiers, de chasser dudit pays tous les juifs
qui peuvent y avoir établi leur résidence, auxquels,
comme aux ennemis déclarés du nom chrétien,
nous commandons d’en sortir dans trois mois, à compter
du jour de publication des présentes à peine de
confiscation de corps et de biens. II. Tous les esclaves qui seront dans notredite province, seront
instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine
et baptisés : ordonnons aux habitans qui achèteront
des nègres nouvellement arrivés, de les faire instruire
et baptiser dans le temps convenable, à peine l’amende
arbitraire: enjoignons aux directeurs généraux dé
ladite compagnie, et à tous nos officiers d’y tenir
exactement la main. III. Interdisons tous exercices d’autre religion d’autre
que de la catholique, apostolique et romaine voulons que les contrevenans
soient punis comme rébelles et désobéissans
à nos commandemens : défendons toutes assemblées,
pour cet effet, lesquelles nous déclarons conventicules,
illicites et séditieuses, sujettes à la même
peine, qui aura lieu même contre les maîtres qui les
permettront ou souffriront à l’égard de leurs
esclaves. IV. Ne seront préposés aucuns commandeurs à
la direction des négres qu’ils ne fassent profession
de la religion catholique, apostolique et romaine à peine
de confiscation desdits nègres contre les maîtres
qui les auront préposés, et de punition arbitraire
contre les commandeurs qui auront accepté ladite direction. V. Enjoignons à tous nos sujets, de quelque qualité
et condition qu’ils soient, d’observer régulièrement
les jours de dimanches et de fêtes, leur défendons
de travailler, ni de faire travailler leurs esclaves aux dits
jours, depuis l’heure de minuit jusqu’à l’autre
minuit, à la culture de la terre et à tous autres
ouvrages, à peine d’amende et de punition arbitraire
contre les maîtres, et de confiscation des esclaves qui
seront surpris par nos officiers dans le travail : pourront néanmoins
envoyer leurs esclaves aux marchés. VI. Défendons à nos sujets blancs de l’un
et de l’autre sexe, de contracter mariage avec les noirs
à peine de punition et d’amende arbitraire ; et à
tous curés, prêtres, ou missionnaires séculiers
ou réguliers, et même aux aumôniers de vaisseaux,
de les marier. Défendons aussi à nosdits sujets
blancs même aux noirs affranchis ou nés libres, de
vivre en concubinage avec des esclaves; voulons que ceux qui auront
eu un ou plusieurs enfans d’une pareille conjonction, ensemble
les maîtres qui les auront soufferts, soient condamnés
chacun en une amende de trois cent livres et s’ils sont
maîtres de l’esclave de laquelle ils auront eu lesdits
enfans voulons qu’outre l’amende ils soient privés
tant de l’esclave que des enfans, et qu’ils soient
adjugés à hôpital des lieux sans pouvoir jamais
être affranchis. N’entendons toutefois le présent
article avoir lieu, lorsque l’homme noir affranchi ou qui
n’étoit point marié durant son concubinage
avec son esclave, épousera dans ]es formes prescrites par
l’église ladite esclave qui sera affranchie par ce
moyen, et les enfans rendus libres et légitimes. VII. Les solennités prescrites par l’ordonnance
de Blois et par la déclaration de 1639 pour les mariages,
seront observées, tant a l’égard des personnes
libres que des esclaves; sans néanmoins que le consentement
du père et de la mère de l’esclave y soit
nécessaire, mais celui au maître seulement. VIII. Défendons très expressément aux curés
de procéder aux mariages des esclaves, s’ils ne font
apparoir du consentement de leurs maîtres : défendons
aussi aux maîtres d’user d’aucunes contraintes
sur leurs esclaves pour les marier contre leur gré. IX. Les enfans qui naîtront des mariages entre les esclaves,
seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes
esclaves, et non à ceux de leurs maris, si les maris et
les femmes ont des maîtres différens. X. Voulons si le mari esclave a épousé une femme
libre que les enfans tant mâle que fille, suivent la condition
de leur mère, et soient libres comme elle, nonobstant la
servitude de leur père et que si le père est libre
et la mère esclave, les enfans soient esclaves pareillement.
XI. Les maîtres seront tenus de faire enterrer en terre
sainte, dans les cimetières destinés à cet
effet, leurs esclaves baptisés; et à l’égard
de ceux qui mourront sans avoir reçu le baptême,
ils feront enterrés la nuit dans quelque champ voisin du
lieu où ils seront décédés. XII. Défendons aux esclaves de porter aucunes armes offensives
ni de gros bâtons, à peine du fouet, et de confiscation
des armes au profit de celui qui les en trouvera saisis, à
l’exception seulement de ceux qui seront envoyés
à la chasse par leurs maîtres, et qui seront porteurs
de leurs billets ou marques connues. XIII. Défendons pareillement aux esclaves appartenans
à différens maîtres de s’attrouper le
jour ou la nuit, sous prétexte de noces ou autrement, soit
chez l’un de leurs maîtres ou ailleurs, et encore
moins dans les grands chemins ou lieux écartes à
peine de punition corporelle, qui ne pourra être moins que
du fouet et de la fleur-de-lys; et en cas de fréquentes
récidives et autres circonstances aggravantes, pourront
être punis de mort, ce que nous laissons à l’arbitrage
des juges : enjoignons à tous nos sujets de courre fus
aux contrevenans, et de les arrêter et conduire en prison,
bien qu’ils ne soient officiers, et qu’il n’y
ait encore contre lesdits contrevenans aucun décret. XIV. Les maîtres qui seront convaincus d’avoir permis
ou toléré de pareilles assemblées composées
d’autres esclaves que de ceux qui leur appartiennent, seront
condamnés en leur propre et privé nom, de réparer
tout le dommage qui aura été à leurs voisins,
à l’occasion desdites assemblées, et en trente
livres d’amende pour la première fois, et au double
en cas de récidive. XV. Défendons aux esclaves d’exposer en vente au
marché, ni de porter dans les maisons particulières,
pour vendre, aucune forte de denrées, même des fruits,
légumes, bois à brûler herbes ou fourrages
pour la nourriture des bestiaux, ni aucune espêce de grains
ou autres marchandises, hardes ou nippes, sans permission expresse
de leurs maîtres par un billet ou par des marques connues,
à peine de revendication des choses ainsi vendues sans
restitution de prix par les maîtres, et de six livres d’amende
à leur profit contre les acheteurs par rapport aux fruits,
légumes, bois à brûler herbes, fourages et
grains voulons que par rapport aux marchandises, hardes ou nippes,
les contrevenans acheteurs soient condamnés à quinze
cens livres d’amende, aux dépens, dommages et intérêts,
et qu’ils soient poursuivis extraordinairement comme voleurs
receleurs. XVI. Voulons à cet effet que deux personnes soient préposées
dans chaque marché, par les officiers du conseil supérieur
ou des justices inférieures ; pour examiner les denrées
et marchandises qui y seront, apportées par les esclaves,
ensemble les billets et marques de leurs maîtres dont ils
seront porteurs. XVII. Permettons à tous nos sujets habitans du pays, de
se saisir de toutes les choses dont ils trouveront lesdits esclaves
chargés, lorsqu’ils n’auront point de billets
de leurs maîtres, ni de marques connues, pour être
rendues incessamment à leurs maîtres si leur habitation
est voisine du lieu où les esclaves auront été
surpris en délit; sinon elles seront incessamment envoyées
au magasin de la compagnie le plus proche, pour y être en
dépôt jusqu’à ce que les maîtres
en ayent été avertis. XVIII. Voulons que les officiers de notre conseil supérieur
de la Louisiane, envoyent leurs avis sur quantité des vivres
et la qualité de l’habillement qu’il convient
que les maîtres fournissent à leurs esclaves ; lesquels
vivres doivent leur être fournis par chacune semaine, et
l’habillement par chacune année, pour y être
statué par nous : et cependant permettons aux dits officiers
de régler par provision lesdits vivres et ledit habillement:
défendons aux maîtres desdits esclaves de donner
aucune sorte d’eau-de-vie pour tenir lieu de ladite subsistance
et habillement. XIX. Leur défendons pareillement de se décharger
de la nourriture et subsistance de leurs esclaves, en leur permettant
de travailler certain Jour de la semaine pour leur compte particulier.
XX. Les esclaves qui ne feront point nourris, vêtus et
entretenus par leurs maîtres pourront en donner avis au
procureur général dudit conseil ou aux officiers
des justices inférieures, et mettre leurs mémoires
entre leurs mains; sur lesquels, et même d’office
si les avis leur viennent d’ailleurs, les maîtres
seront poursuivis à la requête dudit procureur général
et sans frais ce que nous voulons être observé pour
les Crimes et les traitemens barbares et inhumains des maîtres
envers leurs esclaves. XXI. Les esclaves infirmes par vieillesse, maladie ou autrement,
soit que la maladie soit incurable ou non, seront nourris et entretenus
par leurs maîtres et en cas qu’ils les eussent abandonnés
lesdits esclaves seront adjugés à l’hôpital
le plus proche, auquel les maîtres seront condamnés
de payer huit sols par chacun jour pour la nourriture et entretien
de chacun esclave; pour le paiement de laquelle somme, ledit hôpital
aura privilège sur les habitations des maîtres, en
quelques mains qu’elles les passent. XXII. Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui
ne soit à leurs maîtres, et tout ce qui leur vient
par leur industrie ou par la libéralité d’autres
personnes ou autrement à quelque titre que ce soit, être
acquis en pleine propriété à leurs maîtres
; sans que les enfans des esclaves, leurs père et mère,
leurs parens et tous autres, libres ou esclaves, y puissent rien
prétendre, par successions, dispositions entre-vifs, ou
à cause de mort :lesquelles dispositions déclarons
nulles, ensemble toutes les promesses et obligations qu’ils
auroient faites, comme étant faites par gens incapables
de disposer et contracter de leur chef. XXIII. Voulons néanmoins que les maîtres soient
tenus de ce que leurs esclaves auront fait par leur commandement,
ensemble de ce qu’ils auront géré et négocié
dans leurs boutiques, et pour l’espèce particulière
de commerce à laquelle leurs maîtres les auront préposés;
et en cas que leurs maîtres n’ayent donné aucun
ordre et ne les ayent point préposés, ils seront
tenus seulement jusqu’à concurrence de ce qui aura
tourné à leur profit; et si rien n’a tourné
au profit des maîtres, le pécule desdits esclaves
que les maîtres leur auront permis d’avoir, en sera
tenu après que leurs maîtres en auront déduit
par préférence ce qui pourra leur en être
dû, sinon que le pécule consistât en tout ou
partie en marchandises dont les esclaves auroient permission de
faire trafic à part, sur lesquelles leurs maîtres
viendront seulement par contribution au sol la livre avec les
autres créanciers. XXV. Ne pourront les esclaves être pourvus d’offices
ni de commission ayant quelque fonction publique, ni être
constitués agens par autres que par leurs maîtres
pour gérer et administrer aucun négoce, ni être
arbitres ou experts : ne pourront aussi être témoins,
tant en matières civiles que criminelles, à moins
qu’ils ne soient témoins nécessaires et seulement
à défaut de blancs : mais dans aucun cas ils ne
pourront servir de témoins pour ou contre leurs maîtres.
XXV. Ne pourront aussi les esclaves être parties ni ester
en Jugement en matière civile, tant en demandant quand
défendant, ni être parties civiles en matière
criminelle; sauf à leurs maîtres d’agir et
défendre en matière civile, et de poursuivre en
matière criminelle la réparation des outrages et
excès qui auront été commis contre leurs
esclaves. XXVI. Pourront les esclaves être poursuivis criminellement,
sans qu’il soit besoin de rendre leurs maîtres parties,
si ce n’est en cas de complicité ; et serons les
esclaves accusés jugés en première instance
par les juges ordinaires s’il y en a, et par appel au conseil
sur la même instruction, et avec les mêmes formalités
que les personnes libres, aux exceptions ci-après. XXVII. L’esclave qui aura frappé son maître,
sa maîtresse, le mari de sa maîtresse, ou leurs enfans
avec contusion ou effusion de sang ou au visage, sera puni de
mort. XXVIII. Et quant aux excès et voyes de fait qui seront
commis par les esclaves contre les personnes libres, voulons qu’ils
soient sévèrement punis, même de mort s’il
y échoit. XXIX. Les vols qualifiés, même ceux de chevaux,
cavales, mulets, boeufs ou vaches, qui auront été
faits par les esclaves ou par les affranchis, seront punis de
peine afflictive même de mort si le cas le requiert. XXX. Les vols de moutons, chèvres, cochons, volailles,
grains, fourrage, pois, fèves ou autres légumes
et denrées faits par les esclaves, seront punis selon la
qualité du vol par les juges, qui pourront, s’il
y échoit, les condamner d’être battus de verges
par l’exécuteur de la haute justice, et marqués
d’une fleur-de-lys. XXXI. Seront tenus les maîtres, en cas de vol ou d’autre
dommage causé par leurs esclaves, outre la peine corporelle
des esclaves, de réparer le tort en leur nom; s’ils
n’aiment mieux abandonner l’esclave à celui
auquel le tort aura été fait ; ce qu’ils seront
tenus d’opter dans trois jours, à compter de celui
de la condamnation autrement ils en seront déchus. XXXII. L’esclave fugitif qui aura été en
fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître
l’aura dénoncé à la justice aura les
oreilles coupées et sera marqué d’une fleur-de-lys
sur une épaule; et s’il récidive pendant un
autre mois, à compter pareillement du jour de la dénonciation,
il aura le jarret coupé et il sera marqué d’une
fleur-de-lys sur l’autre épaule, et la troisième
fois il sera puni de mort. XXXIII. Voulons que les esclaves qui auront encouru les peines
du fouet de la fleur-de-lys et des oreilles coupées soient
jugés en dernier ressort par les juges ordinaires, et exécutés
sans qu’il soit nécessaire que tels jugemens soient
confirmés par le conseil supérieur, nonobstant le
contenu en l’article XXVI des présentes, qui n’aura
lieu que pour les jugemens portant condamnation de mort ou du
jarret coupé. XXXIV. Les affranchis ou nègres libres qui auront donné
retraite dans leurs maisons aux esclaves fugitifs, seront condamnés
par corps envers le maître, en une amende de trente livres
par chacun jour de rétention; et les autres personnes libres
qui leur auront donné pareille retraite, en dix livres
d’amende aussi par chacun jour de rétention et faute
par lesdits négres affranchis ou libres, de pouvoir payer
l’amende, ils seront réduits à la condition
d’esclaves et vendus, et fi le prix la de la vente passe
l’amende, le surplus sera délivré à
l’hôpital. XXXV. Permettons à nos sujets dudit pays qui auront des
esclaves fugitifs, en quelque lieu que ce soit, d’en faire
faire la recherche par telles personnes et à telles conditions
qu’ils jugeront à propos, ou de la faire eux-mêmes
ainsi que bon leur semblera. XXXVI. L’esclave condamné à mort sur la dénonciation
de son maître, lequel ne sera point complice du crime, sera
estimé avant l’exécution par deux des principaux
habitans qui seront nommés d’office par le juge,
et le prix de l’estimation en sera payé; pour à
quoi satisfaire, il sera imputé par notre conseil supérieur
sur chaque tête de négre la somme portée par
l’estimation, laquelle sera réglée sur chacun
desdits négres, et levée par ceux qui seront commis
à cet effet. XXXVII. Défendons à tous officiers de notredit
conseil, et autres officiers de justice établis audit pays,
de prendre aucune taxe dans les procès criminels contre
les esclaves, à peine de concussion. XXXVIII. Défendons aussi à tous nos sujets desdits
pays, de quelque qualité et condition qu’ils soient
de donner ou faire donner de leur autorité privée
la question ou torture à leurs esclaves sous quelque prétexte
que ce soit, ni de leur faire ou faire fait aucune mutilation
de membre; à peine de confiscation des esclaves, et d’être
procédé contre eux extraordinairement: leur permettons
seulement lorsqu’ils croiront que leurs esclaves l’auront
mérité de les faire enchaîner ou battre de
verges ou de cordes. XXXIX. Enjoignons aux officiers de justice établis dans
ledit pays, de procéder criminellement contre les maîtres
et les commandeurs qui auront tué leurs esclaves, ou leur
auront mutilé les membres étant sous leur puissance
ou sous leur direction, et de punir le meurtre selon l’atrocité
des circonstances et en cas qu’il y ait lieu à l’absolution,
leur permettons de renvoyer, tant les maîtres que les commandeurs
absous, sans qu’ils ayent besoin d’obtenir de nous
des lettres de grâce. XL. Voulons que les esclaves soient réputés meubles,
et comme tels qu’ils entrent dans la communauté,
qu’il n’y ait, point de suite par hypothèque
sur eux, qu’ils se partagent également entre les
cohéritiers, sans préciput et droit d’aînesse,
et qu’ils ne soient point s sujets au douaire coutumier,
au retrait lignager ou féodal, aux droits féodaux
et seigneuriaux, aux formalités des décrets, ni
au retranchement des quatre quints, un cas de disposition à
cause de mort ou testamentaire. XLI. N’entendons toutefois priver nos sujets de la faculté
de les stipuler propres à leurs personnes et aux leurs
de leur côté et ligne, ainsi qu’il se pratique
pour les sommes du deniers et autres choses mobiliaires. XLII. Les formalités prescrites par nos ordonnances et
par la coutume de Paris, pour les saisies des choses mobiliaires
seront observées dans les saisies des esclaves voulons
que les deniers en provenans, soient distribués par ordre
des saisies; et en cas de déconfiture au sol la livre,
après que les dettes privilégiées auront
été payées, et généralement
que la condition des esclaves soit réglée en toutes
affaires comme celles des autres choses mobiliaires. XLIII. Voulons néanmoins que le mari, sa femme et leurs
enfans impubères ne puissent être saisis et vendus
séparément, s’ils sont sous la puissance du
même maître : déclarons nulles les saisies
et ventes séparées qui pourroient être faites,
ce que nous voulons aussi avoir lieu dans les ventes volontaires,
à peine contre ceux qui seront lesdites ventes, d’être
privés de celui ou de ceux qu’ils auront gardés,
qui sont adjugés aux acquéreurs, sans qu’ils
soient tenus de faire aucun supplément de prix. XLIV. Voulons aussi que les esclaves âgés de quatorze
ans et au dessus jusqu’à soixante ans, attachés
à des fonds ou habitations, et y travaillant actuellement,
ne puissent être saisis pour autres dettes que pour ce qui
sera dû du prix de leur achat, à moins que les fonds
ou habitations fussent saisis réellement; auquel cas nous
enjoignons de les comprendre dans la saisie réelle et défendons
à peine de nullité, de procéder par saisie
réelle et adjudication par décret sur des fonds
ou habitations, sans y comprendre les esclaves de l’âge
susdit y travaillant actuellement. XLV. Le fermer judiciaire des fonds ou habitations saisis réellement
conjointement avec les esclaves, sera tenu de payer le prix de
son bail sans qu’il puisse compter parmi les fruits qu’il
perçoit les enfans qui seront nés des esclaves pendant
fondit bail. XLVI. Voulons nonobstant toutes conventions contraires, que nous
déclarons nulles, que lesdits enfans appartiennent à
la partie saisie si les créanciers sont satisfaits d’ailleurs;
ou à l’adjudicataire s’il intervient un décret;
et à cet effet il sera fait mention dans la dernière
affiche de l’interposition dudit décret, des enfans
nés des esclaves depuis la saisie réelle; comme
aussi des esclaves décédés depuis ladite
saisie réelle dans laquelle ils étoient compris. XLVII. Pour éviter aux frais et aux longueurs de procédures,
voulons que la distribution du prix entier de l’adjudication
conjointe des fonds et des esclaves et de ce qu’il proviendra
du prix des baux indiciaires, soit faite entre les créanciers
selon l’ordre de leurs privilèges et hypothèques,
sans distinguer ce qui est pour le prix des esclaves; et néanmoins
les droits féodaux et seigneuriaux ne seront payés
qu’à proportion des fonds. XLVIII. Ne seront reçus les lignagers et les seigneurs
féodaux à retirer les fonds décrétés
sollicités ou vendus volontairement, s’ils ne retirent
aussi les esclaves vendus conjointement avec les fonds.où
ils travailloient actuellement, ni l’adjudicataire ou acquéreur
à retenir les esclaves sans les fonds. XLIX. Enjoignons aux gardiens nobles et bourgeois, ususruitiers,
amodiateurs et autres jouissans de fonds auxquels sont attachés
des esclaves qui y travaillent, de gouverner lesdits esclaves
en bons pères de familles au moyen de quoi ils ne seront
pas tenus après leur administration finie de rendre le
prix de ceux qui seront décédés où
diminués par maladie, vieillesse ou autrement, sans leur
faute et aussi ils ne pourront pas retenir comme fruits à
leur profit, les enfans nés desdits esclaves durant leur
administration, lesquels nous voulons être conservés
et rendus à ceux qui en font les maîtres et les propriétaires. L. Les maîtres âgés de vingt-cinq ans pourront
affranchir leurs esclaves par tous actes entrevifs ou à
cause de mort et cependant comme il se peut trouver des maîtres
assez mercenaires pour mettre la liberté de leurs esclaves
à prix, ce qui porte lesdits esclaves au vol et au brigandage,
défendons à toutes personnes de quelque qualité
et condition qu’elles soient, d’affranchir leurs esclaves,
sans en avoir obtenu la permission par arrêt de notredit
conseil supérieur, laquelle permission sera accordée
sans frais, lorsque les motifs qui auront été exposés
par les maîtres paroîtont légitimes. Voulons
que les affranchissemens qui seront faits à l’avenir
sans ces permissions soient nuls, et que les affranchis n’en
puissent jouir ni être reconnus pour tels, ordonnons au
contraire qu’ils soient tenus, censés et réputés
esclaves, que les maîtres en soient privés, qu’ils
soient confisqués au profit de la compagnie des Indes. LI. Voulons néanmoins que les esclaves qui auront été
nommés par leurs maîtres, tuteurs de leurs enfans,
soient tenus et réputés, comme nous les tenons et
réputons pour affranchis. LII. Déclarons les affranchissemens faits dans les formes
ci-devant prescrites, tenir lien de naissance dans notredite province
de la Louisiane, et les affranchis n’avoir besoin de nos
lettres de naturalité pour jouir des avantages de nos sujets
naturels dans notre royaume, terres et pays de notre obéissance
encore qu’ils soient nés dans les pays étrangers
: déclarons cependant lesdits affranchis ensemble le nègre
libre incapables de recevoir des blancs aucune donation entrevifs
à cause de mort ou autrement; voulons qu’en cas qu’il
leur en soit fait aucune, elle demeure nulle à leur égard,
et soit appliquée au profit de l’hôpital le
plus prochain. LIII. Commandons aux affranchis de porter un respect singulier
à leurs anciens maîtres, à leurs veuves et
à leurs enfans, en sorte que l’injure qu’ils
leur auront faite, soit punie plus grièvement que si elle
étoit faite à une autre personne, les directeurs
toutefois francs et quittes envers eux de toutes autres charges,
services et droits utiles que leurs anciens maîtres voudroient
prétendre, tant sur leurs personnes que sur leurs biens
et successions, en qualité de patrons. LIV. Octroyons aux affranchis les mêmes droits, privilèges
et immunités dont jouissent les personnes nées libres;
voulons que le mérite d’une liberté acquise
produise en eux, tant pour leurs personnes que pour leurs biens,
les mêmes effets que le bonheur de la liberté naturelle
cause à nos autres sujets, le tout cependant aux exceptions
portées par l’article LII des présentes. LV. Déclarons les confiscations et les amendes qui n’ont point de destination particulière par ces présentes, appartenir à ladite compagnie des Indes pour être payées à ceux qui sont préposés à la recette de ses droits et revenus voulons néanmoins que distraction soit faite du tiers desdites confiscations et amendes au profit de l’hôpital le plus proche du lieu où elles auront été adjugées
|