La Campagne de 1814-1815

Hippolyte Castra


Je me souviens qu’un jour, dans mon enfance,
Un beau matin, ma mère, en soupirant,
Me dit: « Enfant, emblème d’innocence,
« Tu ne sais pas l’avenir qui t’attend.
« Sous ce beau ciel tu crois voir ta patrie:
« De ton erreur, reviens, mon tendre fils,
« Et crois surtout en ta mère chérie…
« Ici, tu n’es qu’un objet de mépris. »

 Dix ans après, sur nos vastes frontières,
On entendit le canon des Anglais,
« Nous sommes tous nés du sang Louisianais ».
A ces doux mots, en embrassant ma mère,
Je vous suivis en répétant vos cris,
Ne pensant pas, dans ma course guerrière,
Que je n’étais qu’un objet de mépris.

 En arrivant sur le champ de bataille,
Je combattis comme un brave guerrier:
Ni les boulets non plus que la mitraille,
Jamais, jamais, ne purent m’effrayer.
Je me battis avec cette vaillance
Dans l’espoir seul de servir mon pays,
Ne pensant pas que pour ma récompense,
Je ne serais qu’un objet de mépris.

 Après avoir remporté la victoire,
Dans ce terrible et glorieux combat,
Vous m’avez tous, dans vos coups, fait boire,
En m’appelant un valeureux soldat.
Moi, sans regret, avec un cœur sincère,
Hélas! j’ai bu, vous croyant mes amis;
Ne pensant pas, dans ma joie éphémère,
Que je n’étais qu’un objet de mépris.

 Mais aujourd’hui tristement je soupire,
Car j’aperçois en vous un changement;
Je ne vois plus ce gracieux sourire
Qui se montrait, autrefois, si souvent,
Avec éclat sur vos mielleuses bouches.
Devenez-vous pour moi des ennemis?…
Ah! je le vois dans vos regards farouches:
Je ne suis plus qu’un objet de mépris.

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