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L'Habitation St-Ybars
Alfred Mercier
Quatrième Partie
Chapitre 39 - Chapitre 40
- Chapitre 41 - Chapitre 42
CHAPITRE XXXIX.
Le Lendemain.
À sept heures du matin, Démon
dormait encore. Pélasge, qui arrivait de la ferme, fut d’avis de
ne pas interrompre son sommeil, dût-on retarder le déjeuner.
Blanchette, comme d’habitude, entra dans la
chambre de Mme Saint-Ybars. Étonnée de ne pas voir la mère
de Démon debout et déjà habillée, elle regarda
du côté du lit. Mme Saint-Ybars paraissait dormir. Cependant,
Blanchette trouva qu’elle était bien pâle. Elle approcha et
écouta; elle n’entendit pas le souffle de la respiration. Alors,
toute tremblante, elle posa sa main sur la joue de Mme Saint-Ybars. Elle
recula en chancelant.
Pélasge était sur la galerie
de devant, respirant l’air frais qui venait du fleuve, et lisant un journal.
Une main le prit par le bras; il leva les yeux: la figure bouleversée
de Blanchette lui porta un coup au cœur.
"Qu’est-ce donc? demanda-t-il, qu’as-tu, Blanchette?"
Incapable d’articuler une parole, elle l’attira
à elle, et le conduisit dans la chambre. Pélasge toucha le
corps de Mme Saint-Ybars; il était raide et froid. La mort avait
dû la surprendre dès le commencement de la nuit. Quel coup
pour Démon à son réveil! rien que d’y penser, Pélasge
se sentit brisé comme si la maison se fût écroulée
sur lui.
Démon supporta ce nouveau malheur avec
une fermeté virile. Pas une plainte ne sortit de sa bouche, pas
un cri de colère contre le sort qui semblait le poursuivre avec
un acharnement implacable. Seulement il lui en resta une sombre tristesse.
Pélasge eût voulu adoucir son chagrin; mais comme Démon
ne parlait jamais de la mort de sa mère, personne n’y faisait allusion
devant lui. L’attitude de Démon donnait du souci à Pélasge.
Tous les Saint-Ybars avaient manifesté, plus ou moins, un penchant
à la superstition: Vieumaite seul avait fait exception à
cette règle. Pélasge craignait que ce défaut de famille
n’existât aussi chez Démon. Il soupçonna que son jeune
ami se croyait sous le coup d’une fatalité inexorable. Il ne se
trompait pas: Démon avait des pressentiments lugubres; s’il les
taisait, c’était par fierté; il n’eût voulu, pour rien
au monde, s’exposer à s’entendre dire qu’il y avait là une
faiblesse d’esprit ou un manque de caractère. Dans le secret de
sa pensée il ne douta plus qu’il ne fût né pour le
malheur; il se raidit intérieurement contre la mauvaise volonté
du sort, et attendit ses nouveaux coups dans un silence stoïque.
CHAPITRE XL.
Blanchette console Démon.
Il n’y avait que Blanchette qui osât
attaquer la mélancolie de Démon. Elle s’y prenait indirectement
et très adroitement. Elle avait souvent entendu parler de la puissance
extraordinaire de la musique sur les Saint-Ybars, mais particulièrement
sur Démon. Pour consoler son parrain, elle résolut d’avoir
recours à son piano, dès qu’elle pourrait s’y remettre sans
blesser les convenances. Elle consulta Pélasge; sur ce qu’il lui
répondit, elle pensa qu’elle pouvait reprendre sa musique. En effet,
le piano n’était pas pour elle une simple affaire d’agrément;
Chant-d’Oisel l’avait habituée à le considérer comme
un gagne-pain, en cas de nécessité. Blanchette, malgré
sa gaîté d’enfant et ses airs de petite folle, était
une jeune fille laborieuse qui savait, au besoin, parler raison aussi bien
que les personnes les plus sérieuses parmi celles de son âge.
Elle avait toujours eu une facilité étonnante à apprendre,
et une mémoire vraiment merveilleuse; elle jouait tout par cœur,
même les sonates les plus difficiles et les plus longues. Elle demanda
gracieusement à son parrain la permission de reprendre ses études.
Il y avait six semaines que Mme Saint-Ybars était morte. Démon
consentit à la demande de Blanchette. La première fois qu’il
l’entendit, il fut aussi surpris que charmé; il n’en revenait pas;
il dit à Pélasge:
"Savez-vous que Blanchette est une jeune personne
extraordinaire? quelle facilité et quelle netteté! elle tire
de son piano un volume de son vraiment étonnant, et elle a autant
d’expression qu’une femme de trente ans. Voyez-vous cela! elle interprète
Weber et Beethoven comme si elle avait composé leur musique. Je
n’ai rien entendu de pareil à Paris; je fréquentais pourtant
beaucoup les concerts."
Toutes les fois que Blanchette s’asseyait
à son piano, elle était sûre de voir Démon entrer
dans le salon. Alors, sous prétexte de lui faire entendre des œuvres
allemandes, hongroises ou russes qu’il ne connaissait pas, elle jouait
des morceaux appropriés à l’état de son esprit. Peu
à peu la tristesse de Démon faisait place à une douce
rêverie; une disposition à s’épancher s’emparait de
lui. Blanchette allait à lui, et prenant son bras:
"Parrain, disait-elle, voulez-vous que nous
fassions une promenade? j’ai bien envie de respirer le grand air."
Ils sortaient, marchant au hasard, absorbés
dans l’échange de pensées intimes qui les rendaient de plus
en plus chers l’un à l’autre. Pour Blanchette, voir Démon
et l’aimer c’avait été une seule et même chose. Elle
l’aimait même avant son arrivée; on avait si souvent parlé
devant elle de son excellent cœur, et elle avait eu tant de fois l’occasion
d’apprendre à le connaître, en écoutant lire les lettres
qu’il écrivait. Il était bien tel qu’elle l’avait vu en esprit;
c’était bien le même regard vif et doux, la même voix,
le même sourire, le même air distingué, la même
manière de marcher. Aimer Démon en sa présence comme
elle l’avait aimé de loin, était une chose toute simple,
qui allait de soi, si naturelle enfin qu’elle lui disait sans cesse qu’elle
l’aimait bien, qu’elle donnerait sa vie pour qu’il fût heureux.
Démon était comme quelqu’un
qui s’est entièrement retiré du monde; seul avec Blanchette,
il était suspendu dans une sorte de somnambulisme, où il
se sentait vivre d’une vie délicieuse. C’était pour lui la
vraie vie, la vie du cœur et de la pensée. Le passé, avec
ses souffrances et ses tristesses, lui paraissait comme une nuit lointaine,
nuit traversée de spectres sinistres, reculant et s’effaçant
devant une lumière qui s’étendait autour de lui et de Blanchette.
Il avait oublié la douleur; il ne s’en souvenait que lorsque Blanchette
n’était pas près de lui. Il éprouvait alors un malaise
que l’on pourrait comparer à celui d’une personne cherchant, dans
un songe, sa vie qui s’est séparée de son corps.
Démon s’était repris d’attachement
pour sa terre natale; la maison de son grand-père lui paraissait
le meilleur endroit du monde pour vivre heureux avec Blanchette. Elle serait
sa femme dès que la fin de son deuil aurait dissipé la dernière
ombre placée entre eux et le bonheur. En attendant, ils travaillaient
ensemble à l’embellissement de la maison et du jardin, ils faisaient
ensemble de beaux projets. Au milieu du jour, quand l’ardeur du soleil
les empêchait de sortir, ils s’asseyaient sur la galerie, à
l’ombre des grands rideaux, et lisaient à haute voix, chacun à
son tour. Ensuite, ils descendaient au salon; là ils se berçaient
de musique, là ils se disaient, dans le divin langage des sons,
ces choses profondes et mystérieuses que la mélodie et l’harmonie
peuvent seules exprimer. Le soir, ils contemplaient ensemble l’immensité
semée d’étoiles, les masses sombres de l’horizon, et ce grand
fleuve serpentant majestueusement dans le silence, reflétant la
lumière opaline du ciel, répandant une fraîcheur salutaire
sur les campagnes endormies; ils s’envolaient ensemble dans l’espace sans
bornes, sur les ailes de la rêverie et de l’espérance, ils
se perdaient ensemble dans l’infini de l’amour. Ils oubliaient qu’il y
a une chaîne qui nous tient tous attachés à la terre,
à quelque hauteur que l’on s’élève par l’esprit et
le cœur, et que le malheur est le roc inébranlable auquel cette
chaîne est rivée.
Cette vie d’enchantement durait depuis six
mois: rien n’en troublait le cours, sauf les visites que Démon et
Blanchette recevaient de loin en loin, et qu’ils étaient obligés
de rendre. Ces visites à recevoir et à rendre, étaient
un supplice pour Démon; mais à peine avait-il repris sa liberté,
qu’il oubliait les personnes qu’il avait vues; tant il s’empressait de
se replonger dans le monde d’extase où Blanchette était tout
pour lui, et lui tout pour elle!
Pélasge, Mamrie et Lagniape étaient
heureux du bonheur de Démon et de Blanchette; ils le protégeaient
autant qu’ils pouvaient contre les importunités des oisifs et des
indiscrets.
Démon se souvenait, malgré lui,
que deux ou trois fois M. Héhé et M. le duc de Lauzun étaient
venus le voir; le premier lui avait paru passablement goguenard, le second
dissimulé et envieux. Un troisième personnage lui avait aussi
laissé une impression désagréable. C’était
un gentilhomme campagnard fort prétentieux, nommé des Assins.
Ce bel esprit avait une opinion prodigieuse de sa valeur personnelle; il
se donnait tant d’importance qu’il n’en laissait aucune aux autres. Il
ne parlait jamais que de lui-même, comme si le monde entier eût
été créé pour s’occuper exclusivement de M.
des Assins. Après une longue et lourde visite dont il assomma Démon,
il s’était retiré d’un air piqué. En effet, la tenue
réservée et digne de Démon lui avait déplu.
Démon n’avait pas même souri à ses jeux de mots; c’était
un crime impardonnable; il s’était fait un ennemi de M. des Assins.
Or, M. des Assins n’était pas un ennemi sans conséquence.
Il avait déjà tué deux hommes en duel, un troisième
dans une bagarre fort louche, au sortir d’un bal, et estropié un
quatrième pour le reste de ses jours. Il s’était promis,
après sa visite chez le jeune Saint-Ybars, de s’en venger. Il allait
partout répétant que ce beau Monsieur s’en croyait énormément,
et qu’il avait besoin d’une leçon.
CHAPITRE XLI
Le préjugé de race.—L’insulte.
M. des Assins épiait l’occasion de chercher
querelle à Démon. Les circonstances le servirent à
souhait.
Un bruit étrange, une révélation,
venue on ne savait d’où, courait d’habitation en habitation, mettant
toutes les langues en mouvement.
"Le croiriez-vous, ma chère?
"Qu’est-ce donc?
"Mlle Blanchette est une fille de couleur.
"Pas possible!
"Oui, ma chère, elle a du sang de nègre
dans les veines. La respectable Mlle Pulchérie en a la preuve; elle
a lu une lettre dans laquelle on voit toute l’affaire. Savez-vous qui était
la mère de cette petite blanche de contrebande? ma chère,
une esclave de Saint-Ybars. Quant au père, c’était M. X;
vous savez, celui qui a été tué à Shiloh."
Une réconciliation s’était opérée
entre la tante de Démon et Mlle Pulchérie. On était
alors au printemps. Mlle Pulchérie avait été très
occupée pendant l’hiver, et elle était venue prendre quelques
jours de repos à la campagne, chez sa vieille amie. Celle-ci avait
aussi offert l’hospitalité à M. Héhé, qui était,
pour toutes les familles de la contrée, une connaissance d’ancienne
date. À la même époque, M. le duc de Lauzun commençait
une nouvelle tournée politique dans les campagnes, haranguant les
affranchis et les excitant contre leurs anciens maîtres qu’il affectait
d’appeler les Bourbons. Il ne parlait plus que l’anglais; il assurait
qu’il avait oublié le français.
Démon fut brusquement dérangé
dans sa vie paisible et heureuse. Sa tante, ses cousines et Mlle Pulchérie
envahirent sa maison, comme une nuée d’étourneaux criards,
et, sous prétexte d’amitié, lui déclarèrent
sans façon qu’elles passeraient une semaine chez lui. Démon,
malgré tous ses efforts pour être poli, ne put empêcher
sa mauvaise humeur de percer. Blanchette se contint mieux; elle s’attacha
même, pour masquer le mécontentement de Démon, à
se montrer plus complaisante et plus aimable que jamais. Aussi, fut-elle
étonnée de la froideur hautaine avec laquelle on répondait
à ses prévenances.
Mlle Pulchérie et la tante se rendirent
à la ferme, et demandèrent à Pélasge un entretien
particulier. Elles exigèrent qu’il fermât les portes à
clé. Elles mirent deux heures à lui apprendre ce qui aurait
pu lui être dit en cinq minutes, à savoir que Blanchette était
la fille de Titia. Il est vrai qu’elles se lancèrent à perte
de vue dans les considérations d’honneur et de respect pour la famille,
qui imposaient à Démon la nécessité de ne plus
traiter Blanchette sur un pied d’égalité.
Au sortir de ce colloque, Pélasge était
bien soucieux. Il prévoyait les suites déplorables de la
révélation qui venait de lui être faite. Il interrogea
son esprit et son cœur sur le meilleur moyen de prévenir une catastrophe.
Quand il crut l’avoir trouvé, il emmena Démon sous le vieux
sachem, pour être bien seul avec lui. Là, après lui
avoir dévoilé le secret de la naissance de Blanchette, il
lui montra Mlle Pulchérie, sa tante et sa cousine liguées
contre lui et sa fiancée. Il l’engagea à quitter le pays,
et pour l’aider à s’assurer une vie indépendante et heureuse
avec Blanchette, sous le ciel qui lui conviendrait, il lui offrit généreusement
la fortune qu’il avait amassée par son travail. Démon lui
serra énergiquement la main, et lui dit:
"Vous êtes un noble cœur. Vous dépouiller
ainsi, pour que nous puissions être heureux, Blanchette et moi! Vous
réduire à la pauvreté pour nous dérober aux
atteintes d’un préjugé! Non, c’est trop, mon ami. Même
quand je serais disposé à accepter votre sacrifice, je m’en
abstiendrais par respect pour moi-même. M’en aller! fuir comme un
criminel! m’expatrier par peur de la critique! ce serait reconnaître
des droits à l’injustice; ce serait donner raison à la tyrannie
et à la proscription. Je ne le ferai pas; je resterai, j’épouserais
Blanchette; tant pis pour ceux qui ne seront pas contents."
Pélasge n’insista pas; dans son for
intérieur, il pensait comme Démon. Il fut convenu entre eux
qu’on tairait la chose à Blanchette, au moins pour le moment; il
ne fallait pas l’affliger sans nécessité.
Un terrible assaut attendait Démon
chez lui. Sa tante, Mlle Pulchérie et ses cousines s’enfermèrent
avec lui, et partant de ce point—que famille oblige—elles entreprirent
de lui prouver qu’il ne pouvait pas, par respect pour la parenté,
s’unir à une fille de couleur.
Démon n’avait jamais brillé
par la patience; il interrompit le réquisitoire de ces dames, et
leur dit:
"Vous êtes vraiment plaisantes, Mesdames;
vous disposez de moi comme si je vous appartenais; vous renversez tous
mes projets, en me rendant solidaire de vos idées surannées
et ridicules. Dites-moi, je vous prie: quand je me suis trouvé sans
argent, à l’étranger, m’avez-vous rendu solidaire du bien-être
dont vous jouissiez ici? à mon retour, m’avez-vous fait la moindre
offre de service? Allons donc! laissons de côté cette solidarité
chimérique. Chacun est responsable de ses actes. Vous me faites
rire, en affectant de me jeter au visage que Blanchette est une fille de
couleur; elle est plus blanche qu’aucune de vous; vous avez maintes fois,
chères petites cousines, en ma présence, envié son
teint et ses cheveux. Mais, répliquez-vous, elle a du sang de négresse
dans ses veines. Diable! pour voir cela, il faut que vous ayez de bien
bons yeux. La prochaine fois que Blanchette se piquera un doigt en cousant,
je prendrai une goutte de son sang; je vous l’apporterai, nous la regarderons
ensemble, et nous la comparerons à une goutte de votre sang; vous
me ferez saisir la différence. Mais Blanchette fût-elle noire
comme l’ébène, s’il me plaisait à moi de la trouver
à mon goût, vous n’auriez rien à dire. Je suis le seul
survivant des Saint-Ybars; ce nom, il n’y a que moi qui le porte, et libre
à moi de le donner à Blanchette, si cela me convient.
"Ne m’interrompez pas; je ne serai pas long;
ce que j’ai à vous dire, n’est pas le dixième de ce que vous
m’avez forcé d’écouter.
"Croyez-moi, chère tante, chères
cousines, ne nous inquiétons pas tant de savoir de quelle couleur
étaient les aïeux de celle-ci ou de celle-là. Soyons
ce que nous sommes, et voyons les autres comme ils sont: Blanchette est
blanche comme un lys, elle est aimable, bonne, spirituelle, très
instruite pour son âge, excellente musicienne, enjouée, ne
disant jamais de mal de personne; voyez-la donc telle qu’elle est, et ne
me parlez plus de la peau noir de ses aïeules.
"Mais vous, Mesdames, pouvez-vous dire avec
certitude quelle était la couleur de vos ancêtres? Vous savez,
sans doute, que le temps a fait justice de toutes ces légendes orgueilleuses
qui établissaient un lien de parenté entre les hommes primitifs
et les anges. D’abord, vos anges sont des êtres imaginaires, laissons
cela de côté; mais ensuite, savez-vous que des savants soupçonnent
fortement aujourd’hui, ne vous en déplaise, que vous et moi, que
nous tous enfin qui sommes si fiers de nous appeler des hommes, nous sommes
les descendants d’une race qui était au moins cousine germaine des
singes. Cela vous scandalise; j’en suis bien fâché pour vous.
Quant à moi, cela ne me fait rien du tout. Je n’en suis pas moins
ce que je suis, un Saint-Ybars, un fils du dix-neuvième siècle,
un homme libre né en Louisiane, en Louisiane où je prétends
vivre à ma guise.
"Vous faites un crime à Blanchette
d’avoir eu pour mère une esclave. Vous oubliez, chères amies,
que nos ancêtres aussi ont été des esclaves. Oui, nous
tous qui vivons sous ce ciel béni de l’Amérique, descendants
de Français, d’Anglais, d’Espagnols, d’Italiens, d’Allemands, de
Portugais, de Suisses, de Suédois, etc., tous nous sommes les petits
fils de malheureux qui ont traversé de longs siècles, le
front courbé sous le poids de la servitude. Il fut un temps maudit
où la force était le droit; alors, les peuples vivaient de
guerre et de rapine; les vaincus étaient chargés de chaînes
et condamnés à travailler pour les vainqueurs. Comme on était
tour à tour vainqueur ou vaincu, l’esclavage s’est promené
partout, semblable à ces sinistres épidémies qui ne
s’éloignent d’un pays que pour en envahir un autre. Il suit de là
rigoureusement qu’il n’est personne qui ne compte des esclaves parmi ses
ascendants.
"Et ne croyez pas, très chères
cousines, qu’il soit nécessaire de remonter bien haut dans l’histoire,
pour rencontrer nos ancêtres portant un collier avec le nom du maître,
comme celui que nous mettons à nos chiens. La décence ne
me permet pas de vous dire comment les seigneurs traitaient nos aïeules,
à l’âge où elles étaient fraîches et jolies.
En sommes-nous, vous et moi, moins respectables, moins libres? non, sans
doute. Or, je dis que Blanchette est aussi blanche que la plus blanche
des blanches; je dis qu’elle a reçu l’éducation que l’on
donne aux jeunes filles des meilleures familles, et enfin que je l’aime.
Donc, je l’épouserai. Si vous êtes venues ici exprès
pour m’en dissuader, vous pouvez considérer votre mission comme
terminée."
Démon salua poliment, et se retira.
Il sortit avec Blanchette; ils firent une longue promenade. Démon
fut plus expansif et plus tendre que jamais. Blanchette était heureuse;
elle écoutait, avec des frémissements délicieux, les
paroles de Démon; elle noyait son regard dans le sien, comme pour
lui répondre qu’elle vivait toute en lui, et que si leur promenade
pouvait durer indéfiniment, ce serait, sur la terre, le rêve
réalisé de l’âge d’or.
Ils revinrent par la levée, ravis d’être
seuls dans le silence, au coucher du soleil, oubliant qu’il y a par le
monde des hypocrites, des envieux, pour qui le bonheur d’autrui est une
torture, et avec lesquels, malheureusement, il faut toujours compter tôt
ou tard.
En doublant un coude, que formait le chemin
pour suivre les sinuosités du fleuve, Démon et Blanchette
aperçurent à quelque distance, un groupe composé d’une
dizaine de personnes. À l’idée qu’il fallait passer devant
ces indifférents, Blanchette fit une moue d’enfant contrarié.
À mesure qu’ils avançaient, Démon croyait reconnaître
M. des Assins. C’était bien lui. Démon le vit s’avancer,
de manière à se placer au bord du chemin.
Il y avait trois dames dans le groupe; elles
chuchotaient derrière leurs éventails.
"C’est la première fois, dit l’une
d’elles, que je vois le jeune Saint-Ybars; c’est, ma foi, un beau garçon.
Mais il a tort de sortir comme cela, en public, avec une fille de couleur.
"Pauvre petite Blanchette! dit une autre;
c’est vraiment dommage: elle est si gentille!
"Elle aurait toujours passé pour blanche
sans cette mauvaise langue de Pulchérie, remarqua la troisième
dame; quelle guêpe, quel scorpion, quel serpent à sonnette
que cette vieille fille!"
Blanchette aussi remarqua M. des Assins. Elle
le connaissait de réputation. Il lui était antipathique;
mais comme elle n’aimait pas à s’occuper des gens méchants,
elle n’avait jamais parlé de lui à Démon.
Au moment où Démon passait devant
le groupe, M. des Assins dit à haute voix:
"Le voici avec sa négresse."
Démon ne l’entendit que trop bien;
il se retourna, et, le regardant avec mépris, il lui jeta cette
épithète au visage:
"Misérable!"
C’était précisément ce
que voulait M. des Assins. Il fit, avec la tête, un geste qui voulait
dire ceci:
"Nous nous reverrons bientôt."
Démon le salua de la main, de façon
à faire comprendre qu’il était à sa disposition.
"Encore un duel! s’écria l’une des
trois dames.
"Des Assins a tort, remarqua la plus âgée,
on n’insulte pas comme ça un homme de but en blanc. Il a confiance
en sa réputation de duelliste. S’il tue ce jeune homme, c’est abominable!
je ne lui parle plus."
Blanchette avait entendu seulement le mot
négresse; elle ne se faisait pas la moindre idée du
sens que des Assins y avait attaché. Mais elle entrevit quelque
chose de très grave; elle devint toute tremblante, et demanda à
Démon, presque en pleurant, l’explication de ce qui venait de se
passer. Il la rassura de son mieux. Elle ne fut pas satisfaite; elle resta
inquiète, se disant qu’à coup sûr un duelliste comme
M. des Assins ne se laisserait pas appeler misérable sans se venger.
En rentrant, Démon l’embrassa plusieurs fois, et lui recommanda
de ne pas se tourmenter. Il avait repris son calme; il parlait d’une voix
si naturelle, que Blanchette se rassura en partie; elle se retira dans
sa chambre, le cœur un peu moins oppressé.
CHAPITRE XLII.
Le Cartel.
M. Héhé et Pélasge étaient
au salon, avec la tante et les cousines de Démon; Mlle Pulchérie
leur racontait la guérison miraculeuse d’une vieille femme paralytique,
qui avait bu de l’eau de la Salette. Quand elle eut fini, Démon
prit Pélasge et M. Héhé à part, et les pria
de passer la soirée chez lui, attendu qu’il aurait probablement
besoin de leurs services. Il se borna, pour le moment, à leur dire
qu’en réponse à une parole grossière de M. des Assins,
il s’était servi d’une expression qui devait nécessairement
amener un duel. Plus tard, seul avec Pélasge, il lui exposa les
choses exactement comme elles s’étaient passées. Pélasge
connaissait M. des Assins; il ne douta pas que le spadassin n’eût
longuement prémédité son insulte. "Je suis sûr,
pensa-t-il, qu’il s’exerce depuis longtemps à l’arme qu’il veut
choisir. Misérable! oui, Démon a dit la vérité,
c’est un misérable, un bien grand misérable. S’il arrive
malheur à Démon, ce scélérat aura affaire à
moi."
Mlle Pulchérie vint dire à Démon
qu’on le demandait au salon. Il s’y rendit aussitôt, et se trouva
en face de deux amis de M. des Assins.
"Messieurs, leur dit-il, vous m’apportez un
cartel.
"Oui, Monsieur.
"M. des Assins m’a devancé, Messieurs,
pour avoir le choix des armes. C’est pourtant moi qui ai été
insulté le premier; c’est à moi que reviendrait le droit
d’envoyer un cartel. N’importe, j’accepte celui de M. des Assins. Quelle
arme choisit-il!
"Le fusil à deux coups.
"Le fusil, Messieurs? cela devait être;
M. des Assins est un des plus habiles chasseurs du pays. Soit. Quelles
conditions propose-t-il?
"On se battra à quarante pas, avec
des fusils dont on ne s’est jamais servi. Un des canons seulement de chaque
fusil sera chargé à balle. Les adversaires étant en
place, un des témoins, le doyen d’âge, désigné
pour le commandement, dira:—Messieurs les combattants, êtes-vous
prêts?"—si aucune observation ne se fait entendre, il ajoute: "Feu!"
et il compte depuis un jusqu’à dix. On pourra tirer
à partir du mot feu jusqu’à dix.
"Messieurs, dit Démon en souriant avec
ironie, je vois ce que désire M. des Assins, un combat à
mort. Permettez-moi de vous dire qu’il s’y prend mal; je refuse ses conditions;
voici les miennes: chaque adversaire apportera son fusil, avec de la poudre
et des balles; les deux canons de chaque fusil seront chargés;
on se battra, non à quarante pas, mais à vingt; on pourra
tirer à partir du mot feu jusqu’à vingt. Messieurs,
j’ai deux amis chez moi; je vais vous les envoyer. On vous apportera de
l’encre, des plumes et du papier; les conditions du combat seront mises
en écrit."
Les amis de M. des Assins, restés seuls,
se regardèrent.
"Bigre! dit l’un, il n’a pas froid aux yeux.
"Ah! ça, fit l’autre, est-ce que nous
acceptons de pareilles conditions? que dira-t-on de nous?…c’est une tuerie.
"Ma foi, tant pis, reprit le premier; nous
ne pouvons pas reculer."
Pélasge et M. Héhé entrèrent.
Pélasge prit la parole.
"Je regrette pour vous et pour nous, Messieurs,
d’avoir à rédiger des conditions de combat comme celles qui
nous sont imposées. M. Saint-Ybars se refuse péremptoirement
à les changer, à moins que ce ne soit pour les rendre plus
meurtrières. Acceptez-vous, Messieurs?
"Nous acceptons.
"Le lieu du combat, continua Pélasge,
est l’avenue de l’ancienne habitation Saint-Ybars, près des ruines
de la maison; on y sera demain matin, à sept heures. Le lieu et
l’heure vous conviennent, je pense.
"Parfaitement, Monsieur.
"En ce cas, Messieurs, je dicte. M. MacNara
va écrire; l’un de vous voudra bien en faire autant…Ah! pardon,
Messieurs; j’oublie une clause importante. Si l’un des adversaires est
blessé et qu’il puisse tirer encore, M. Saint-Ybars veut que le
combat continue.
"C’est entendu, Monsieur."
Il y eut un silence de deux à trois
minutes; puis, la voix grave et accentuée de Pélasge dicta,
article par article, les dispositions du combat. M. Héhé,
fier de son rôle et fronçant belliqueusement le sourcil, écrivit
avec un talent de calligraphe qui aurait fait envie à un clerc de
notaire. Les présents signèrent. Pélasge garda la
feuille écrite par le représentant de M. des Assins, et lui
remit l’autre. On se sépara en se saluant courtoisement, et en disant:
"Demain matin, à sept heures."
Il fut convenu que Démon irait coucher
à la ferme, comme cela lui arrivait quelquefois, quand il avait
à sortir de bonne heure avec Pélasge. Il passa le reste de
la soirée avec Blanchette. Elle était affreusement tourmentée.
La visite des amis de M. des Assins était trop significative, pour
qu’on pût lui en dissimuler l’objet. Démon se vit obligé
de convenir des faits; seulement, il dit qu’on n’en était encore
qu’aux pourparlers, et que l’affaire ne se déciderait que le lendemain.
Mais il ne savait pas mentir. Blanchette lui dit:
"Parrain, vous me trompez."
Et elle fondit en larmes.
Démon la prit dans ses bras, couvrit
son visage de baisers, et dit:
"Eh bien! oui, Blanchette, je me bats demain
matin. Sois tranquille, j’ai bon espoir. Si tu veux que je conserve mon
courage et mon sang-froid, il ne faut pas pleurer.
"Je vous obéis, parrain, dit Blanchette
en s’essuyant les yeux, je ne pleure plus.
"Je te le répète, reprit Démon
en portant la main à son front, il y a là quelque chose qui
me dit que je te reviendrai sain et sauf."
Il la serra une dernière fois sur son
cœur et partit.
Mamrie et Lagniape causaient tranquillement
dans la cuisine; elles n’eurent aucune connaissance des incidents de la
soirée.
Quand M. des Assins apprit les conditions
de Démon, il éclata de rire.
"L’imbécile! s’écria-t-il, il
a donc peur que je ne le manque à quarante pas? Enfin, puisqu’il
veut recevoir ma balle à vingt pas, servons-le à la distance
qui lui plaît."
M. des Assins était âgé
d’une quarantaine d’années. Il avait une grande expérience
du terrain, non seulement pour s’être battu souvent, mais aussi pour
avoir été témoin ou simple spectateur dans tous les
duels de sa paroisse depuis vingt-deux ans. Il avait une confiance illimitée
dans son adresse et ses roueries. En préparant son fusil pour le
lendemain, il dit à ses amis:
"Voici comment les choses se passeront. Ce
grand flandrin, comme un novice qu’il est, n’aura qu’une pensée,
tirer le premier. Il se dépêchera si bien de me tuer, dans
sa peur de l’être, qu’il me manquera. D’abord, moi, je commencerai
par lui troubler la vue et je lui donnerai un tremblement, en balançant
mon fusil dès qu’on sera en position, comme ceci, regardez-bien,
de haut en bas et de bas en haut, juste en suivant la ligne médiane
de son corps. Cette manière de faire est un excellent truc; elle
m’a déjà réussi deux fois, je vous la recommande.
Ce balancement a un effet étonnant; votre adversaire se trouble,
il tire sans viser, sa balle s’en va au diable; vous, alors, vous visez
à votre aise, et paf! vous lui percez le cuir.
"C’est très bien, observa quelqu’un,
mais tout ça suppose que tu aies affaire à un homme qui perde
la tête facilement. Mais si ton adversaire garde son sang-froid,
tu cours une terrible chance en le laissant tirer le premier.
"Voilà justement la question, reprit
des Assins; votre adversaire gardera-t-il ou ne gardera-t-il pas son sang-froid.
Pardi! si je me battais avec un vieux boscoïo comme toi, j’emploierais
un autre truc. Ce muscadin de Saint-Ybars n’a jamais été
sur le terrain, et quand, la première fois qu’on se bat, on a devant
soi un homme de ma réputation, on a une venette d’enfer."
La raisonnement de M. des Assins était
spécieux; Démon avait bien l’habitude des armes, mais il
ne s’en était jamais servi que pour exercer son adresse, et par
manière de divertissement. Il n’avait jamais pris pour cible un
être vivant; il ne se cachait pas pour dire qu’il avait horreur du
tir au pigeon; il désapprouvait même la chasse comme partie
de plaisir, soutenant qu’elle n’est légitime que lorsqu’elle est
nécessaire comme moyen d’existence.
"Ce des Assins, dit-il à Pélasge,
est un être ignoble; au lieu de s’en prendre à moi directement,
il m’a insulté dans la personne d’une jeune fille qui ne lui a jamais
donné le moindre motif de ressentiment contre elle. Il m’a pris
en haine, je ne sais pourquoi; il veut me tuer, c’est évident. Vous
me connaissez, mon ami; vous savez que je n’ôte pas la vie inutilement
même à un insecte. Mais demain, en présence de cette
bête féroce, je serai dans le cas de légitime défense.
Croyant rendre service à la société aussi bien qu’à
moi-même, je ferai de mon mieux pour tuer ce scélérat.
Il a mis dans mon cœur une froide et implacable colère qui pourra
bien lui porter malheur. Si c’est moi qui succombe, ma place m’attend sous
le vieux sachem, à côté de mon grand-père. Donnez-moi,
je vous prie, ce qu’il faut pour écrire. Je désire laisser
à Blanchette le peu que je possède. Je vous la recommande;
protégez-la, rendez-la aussi heureuse qu’elle puisse l’être
sans moi."
Pélasge prit affectueusement la main
de Démon, et dit:
"Vous n’avez pas de fâcheux pressentiment,
n’est-ce pas?
"Non, pas du tout, répondit Démon;
au contraire, j’ai confiance.
"À la bonne heure.
"Mais je puis me tromper; le sort est si perfide!
"Tâchez de bien dormir, reprit Pélasge,
afin que demain vous soyez dans de bonnes conditions physiques.
"Oh! sous le rapport du sommeil, répondit
Démon en souriant, vous savez que la nature m’a bien doué.
La certitude d’être tué à mon lever, ne m’empêcherait
pas de dormir. Je compte sur vous pour me réveiller à cinq
heures."
Pendant que Démon causait avec Pélasge,
M. Héhé était près de Mlle Pulchérie.
Il n’avait pas de secrets pour elle. Il lui raconta toute l’affaire de
Démon avec M. des Assins, lui recommandant toutefois la plus grande
discrétion.
"Si l’on venait à savoir, remarqua-t-il,
que la lettre que je vous ai donné à lire est la cause première
de ce qui arrive, cela ferait un mauvais effet."
À peine M. Héhé était-il
parti, pour rejoindre Pélasge et Démon, que Mlle Pulchérie,
oubliant la recommandation de son ami pour satisfaire sa propre méchanceté,
entrait dans la chambre de Blanchette et l’accablait de reproches, comme
coupable de la prochaine et inévitable mort de Démon. Elle
eut la cruauté de lui révéler le secret de sa naissance;
elle alla jusqu’à lui dire que si l’esclavage existait encore, on
la mettrait à sa vraie place, et qu’elle serait fouettée
jusqu’au sang, comme elle le méritait, pour avoir amené un
duel entre le dernier rejeton des Saint-Ybars et un homme qui tuait toujours
son adversaire.
Blanchette était éperdue de
désespoir et de terreur. En moins de quelques minutes, elle venait
de recevoir des chocs dont un seul eût suffi pour l’accabler. Sa
raison chancela; elle se demanda si elle était bien Blanchette,
si la petite Blanchette n’était pas un rêve, ou une pensée
que Chant-d’Oisel aurait laissée derrière elle et oubliée
dans la vie. Le rire sarcastique de Mlle Pulchérie la ramena au
sentiment de son existence; elle recula d’horreur, et joignant les mains:
"Grâce, Mademoiselle, grâce, assez
pour ce soir! dit-elle; je suis anéantie; vous ne pouvez plus me
faire de mal, c’est comme si vous frappiez sur une morte; laissez-moi seule
avec mon malheur, il n’a pas besoin d’être aidé par vous."
Blanchette était jeune et jolie, Mlle
Pulchérie avait cessé d’être jeune depuis longtemps,
et elle n’avait jamais été jolie; Blanchette était
sympathique et aimante; Mlle Pulchérie n’était que haine
et envie. Mlle Pulchérie haïssait amèrement Blanchette,
et Blanchette, née pour aimer, ne comprenait pas plus la haine qu’un
enfant ne comprend l’algèbre.
Mlle Pulchérie revint au salon, et,
écumant encore de fiel et de colère, elle raconta à
la tante de Démon comment elle venait de traiter Blanchette. Grand
fut son étonnement, grande sa mortification, de voir la sœur de
Mme Saint-Ybars émue de pitié.
"Vous êtes allée trop loin, ma
chère, dit la vieille dame; rendre cette malheureuse enfant responsable
de la mort de Démon, c’est trop, c’est injuste."
Elle se rendit auprès de Blanchette,
et essaya de la consoler. Blanchette se jeta avec confiance dans ses bras.
"Vous au moins, vous êtes bonne, chère
tante, dit-elle; vous avez pitié de moi. Laissez-moi vous appeler
encore tante, c’est la dernière fois. Qu’on me dise tout ce qu’on
voudra, que je suis une négresse, que ma mère était
une esclave, que j’étais née pour l’être aussi; mais
c’est horrible de me reprocher ce duel, à moi qui donnerais ma vie
pour sauver Démon. Ah! si Nénaine était là,
elle prendrait ma défense; on ne m’accablerait pas comme ça."
La sœur de Mme Saint-Ybars ne put retenir
ses larmes; elles firent plus que tout le reste, pour consoler Blanchette.
Vers onze heures le calme s’était rétabli
dans la maison. Blanchette s’était jetée sur son lit, pour
pleurer. Le sommeil, aidé par l’épuisement du corps et de
l’esprit, s’empara d’elle, malgré les sanglots qui continuaient
de secouer sa poitrine.
Pélasge avait envoyé un exprès
à son médecin, pour s’assurer ses services. Il attendit,
pour se coucher, qu’on lui apportât une réponse. Le médecin
lui fit savoir qu’il serait au rendez-vous.
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